Carrefour Sèvres - Montparnasse, juillet 1961
Carrefour Duroc, un bloc d’affiches impressionnant de 8 mètres de long vient de se détacher d’une palissade. François Dufrêne qui passait par là en avise aussitôt Villeglé, archéologue au pied levé, qui arrive. Il leur faudra trois taxis (à l’époque, ils avaient des galeries) pour finalement l’amener et l’entreposer au Musée national d’art moderne. (Bon choix : elle rentrera dans la collection en 2002.). Les images (publicitaires) sont encore lisibles à défaut des slogans. Une poésie s’en dégage en miroir de l’événement.
À droite dans un encadrement orange sur fond violet, un personnage à la Savignac qui prendrait ses jambes à son cou (comme le Minotaure de Picasso) emportant sous le bras un « desse… ». A gauche, en un autre encadrement, déchirant l’espace, un petit oiseau « en couleurs » tenant en son bec une photo. « Photo » c’est écrit là-haut et c’est comme en miroir une métaphore : Villeglé emportant, « volant » l’image ! « Un voleur s’évadant du réel » a dit Arnaud Labelle-Rojoux.
C’est la Femme avec un grand F… comme fantasme ! Le noir et blanc photographique dégage sa silhouette toute en courbes souriantes et élégantes. Le reste est en couleurs, manière de « cristallisation » (voir De l’Amour de Stendhal). La beauté du modèle se conjugue à la beauté du geste par la grâce des effeuillements et des lacérations. On devine une photo de mode. On se souvient de William Klein, photographe de la ville américaine, de ses murs recouverts d’écriture, « Broadway by light », de la lumière des mots.
Le modèle (Marianne ?) semble en balance poétique, voire politique : à sa droite…, une affiche lacérée de François Mitterrand, à sa gauche, un drapeau bleu blanc rouge qui flotte et le nom de de Gaulle. La France partagée, la France déchirée.Cependant, quel qu’en soit l’agrément, à travers ces images Jacques Villeglé voit comme « des arlequins blessés qui "libèrent la résonance intérieure des choses et des êtres", qui démasquent le vide de notre société ».
Rue du Grenier Saint-Lazare, mardi 18 février 1975
Rue du Grenier Saint-Lazare, 1975 est la première des 40 affiches arrachées annonçant l’exposition de Jean Dubuffet à l’ARC : en divers endroits de Paris, il s’empare d’une même affiche, différemment lacérée comme autant de variations sur un même thème.Le principe d’appropriation est, ici, une manière d’hommage à Alfred Jarry. Celui-ci avait ni plus ni moins « ravi » un texte déjà existant, qui deviendra Ubu roi. Villeglé voyait une parenté entre le bonhomme de Jean « D’Ubu/ffet » et celui d’Alfred Jarry, appelé « Bosse-de-Nage ».
Il apprécie : « un beau titre, "l’Opéra de Quat’sous" en haut à gauche de celle-ci, et comme un libellé de fabrication : le mot "anarchiste" en bas à droite. » L’Opéra de Quat’sous est une œuvre de 1928 de Bertolt Brecht et Kurt Weill, comme l’affiche elle-même le spécifie. Cela raconte comment, dans les bas-fonds de Londres, Peachum le « roi des mendiants » tente d’empêcher le mariage de sa fille Polly avec Mackie-le-surineur. Sur l’affiche, la mariée lacérée est à deux doigts d’être mise à nu ! Et sur celle collée par-dessus, on devine la signature de Jean Dubuffet, elle-même lacérée. La signature se tient au-dessus du dessin comme un phylactère dans une bande dessinée.
En flânant de la Rue du Grenier Saint-Lazare à la Rue de la Perle, jusqu’à la Rue de Thorigny, c'est-à-dire en contemplant les œuvres où s’inscrit l’affiche de l’ARC, on assiste en des décors différents à « l’entrée clownesque » du petit bonhomme de Jean Dubuffet.
Bonjour, pourais-je savoir où est conservé l'oeuvre Boulevard Saint Martin - Rue René Bloulanger ? Merci d'avance.
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